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L'Atelier 102 a été fondé en 1982 par Jean-Claude Auguste et Gérard Métrot. Le premier venait de chez Leica et le second de chez Rollei. Ils se sont installés dans un magasin situé au 102 du boulevard Beaumarchais, d'où le nom donné à l'Atelier. Quelques années plus tard, l'Atelier a déménagé pour un immeuble industriel situé un peu en retrait du boulevard de la photo, rue Nicolas Appert. 

Notamment du fait des origines de ses fondateurs (Leica avait encouragé Jean-Claude à monter cet atelier de réparation), l'Atelier 102 a été, des années durant, le réparateur officiel de plusieurs grandes marques (Leica, Rollei, Mamiya...). Les techniciens de l'Atelier (ils ont été parfois une dizaine), électroniciens ou micromécaniciens, certains plus particulièrement spécialisés dans les grandes marques (et régulièrement formés par Leica par exemple), ont fait de cet atelier, pendant des années maintenant enfouies dans le passé, un lieu central de la photographie, rendez-vous des professionnels de la photographie qui n'était alors qu'argentique.

Une des cinq émissions consacrées à Robert Doisneau par France Culture avait été réalisée à l'Atelier 102 peut-être un an avant que je vienne frapper à la porte de l'atelier au printemps 1993 pour demander à Jean-Claude et à Gérard si je pouvais venir photographier l'endroit. Un jour, en fin d'après-midi, Sebastiao Salgado est venu offrir aux gars de l'atelier son livre "La Main de l'Homme". J'ai fait quelques clichés de Salgado que je lui ai donnés un an ou deux plus tard. A cette occasion, il m'a dit que les gars de l'Atelier étaient comme les personnes qu'il montrait dans son livre. Comment mieux dire?

L'Atelier 102 a été l'un de mes premiers sujets, en fait mon second après des résultats que j'estimais peu satisfaisants à la foire du Trône. Pendant un mois et demi, je suis venu passer deux ou trois demi-journées par semaine à l'Atelier, rapportant à chaque fois des tirages de photos de la fois précédente pour les distribuer à chacun. Je manque de mots pour rendre compte de l'hospitalité et de la générosité avec laquelle les "gars de l'atelier" m'ont accueilli. J'ai continué à les fréquenter ensuite, passant de temps en temps à midi pour aller déjeuner avec eux.

A la fin de l'année 2003, la situation financière de l'Atelier s'est dégradée au point que son bilan a été déposé. L'affaire a été reprise mais, entretemps, les grandes marques ont abandonné le navire. Daniel Bergon qui fut le chef d'atelier pendant de longues années en profita pour prendre sa retraite, à la fois satisfait (il avait commencé à travailler très jeune) et peut-être un peu écoeuré de cette triste fin de l'Atelier. Certains de ceux que j'avais connus en 1993 sont partis depuis longtemps (Michel, Antoine, René, Corinne, Coline, René, et même Gérard). Hervé qui travaillait en partageant son temps entre la réparation et la photographie a réussi à pouvoir vivre de ses photos (je l'ai croisé une fois en ville, il a adopté un petit Mexicain). La dernière fois que je l'ai vu, Pierre conduisait des rames de métro sur la ligne que j'empruntais le plus souvent: un jour, j'ai entendu qu'on m'appelait sur le quai, c'était Pierre qui me faisait signe de venir le rejoindre en cabine... belle descente souterraine de la Place des Fêtes à Châtelet, un rêve de gosse. Christian, Michel, Laurent et Bruno étaient encore là. Jean-Luc, un Mamiyaïste, avait rejoint ce dernier quarteron d'artisans. Le métier se perd. Les appareils numériques sont là, simples assemblages (très simples, ridicules vous diront-ils, eux, les aristocrates de la réparation photographique qui peuvent vous démonter et remonter un Leica en un tournemain) de cartes à brancher les unes aux autres ou à jeter et remplacer. Et puis, l'Atelier a définitivement fermé ses portes. Michel a mis les voiles.

Mais bon, les gars, hé, Daniel, Christian, Michel, si, par une éventuelle nostalgie vous relisez ces lignes, faites-moi signe, envoyez-moi un mail (l'adresse est à la page contact), ça me fera plaisir! A vous, salut et fraternité.

Et puis... le 7 janvier 2015, j'apprends par la radio qu'un attentat a été commis contre Charlie Hebdo. Les minutes suivantes nous en disent plus sur l'horreur de l'affaire. J'entends qu'on parle de la rue Nicolas Appert. Je vais vérifier l'adresse de Charlie Hebdo. C'est 10 rue Nicolas Appert. L'ancienne adresse de l'Atelier. Je connais donc très bien les lieux et cette violence est donc venu toucher un endroit qui représente beaucoup pour moi. Et du coup, j'ai des nouvelles de Michel, de Christian, et aussi de Sabine, une Allemande qui avait travaillé à l'Atelier pendant l'année précédant mon arrivée dans les lieux. Cette violence les touchait sans doute encore plus que pour moi puisque ce lieu avait été leur quotidien pendant des années. Et l'Atelier 102, c'était quand même quelque chose.

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Robert Laugier - photographe